ATHÉISME

ATHÉISME
ATHÉISME

Littéralement, le mot «athée» veut dire «sans dieu». Pour comprendre ses divers emplois dans le cours de l’histoire, il convient de noter que ce terme négatif n’inclut spécialement aucun verbe. Suivant le contexte, plusieurs pourront être sous-entendus: on est tenté de privilégier le verbe «croire» (l’athée est celui qui ne croit pas à l’existence de Dieu – ou des dieux), mais on parle aussi d’une «doctrine athée», ce qui suppose le verbe «nier» (une doctrine est athée lorsqu’elle nie l’existence de Dieu). D’autres fois, l’athée est celui qui refuse de «vénérer» les dieux et de leur «rendre un culte». Dans certains cas, il faudra sous-entendre un verbe passif, l’athée étant alors un être abandonné de Dieu, un maudit ou encore un adversaire de la religion, un antithéiste... L’adjectif «athée» est préfixé d’un alpha privatif que l’on retrouve en français tantôt sous la forme a (comme dans «apolitique», «atone», etc.), tantôt sous la forme in (dans «incolore», «immoral», etc.), et qui indique une qualification négative sans autre précision. Il peut donc s’appliquer à tout ce qui est privé d’un dieu, exclu de cela même qui fonde la communauté religieuse. Il dépendra du contexte que l’accent négatif porte sur une signification intellectuelle d’incroyance ou sur une signification sociale d’exclusion.

La notion d’athéisme conduit à s’interroger sur les significations religieuses de la négation. Quelle est, par exemple, la différence entre le mystique, qui nie les représentations de la divinité, et l’athée, qui en nie l’existence? Quand il s’agit de Dieu, il est difficile de faire le départ entre jugement de réalité (portant sur l’existence) et jugement de valeur (portant sur les représentations). C’est ainsi que, pour saint Anselme, la négation de l’existence divine est rationnellement impossible (l’athée serait donc un mystique raté, un «insensé»), alors que pour David Hume, au contraire, les mystiques seraient de «véritables athées», mais inavoués. Dans l’histoire des religions, le mot «athée» permet de tester la rationalité de la croyance sous la forme suivante: comment la pensée religieuse perçoit-elle la négation? Les logiciens disent qu’une négation est «vérifonctionnelle» lorsqu’elle oppose contradictoirement le vrai et le faux. Mais la négation, dans le langage courant, peut avoir des fonctions psychologiques et sociales complexes: elle peut exprimer des antagonismes, des conflits, des rejets... Les fameuses «contradictions économiques», par exemple, sont rarement vérifonctionnelles. Les passions politiques et le sentiment religieux peuvent donner à la négation une force émotionnelle si complexe qu’il est difficile de savoir sur quoi elle porte. Au cours des siècles, l’athée est apparu diversement comme: un négateur de Dieu, coupable d’un orgueil «prométhéen»; un négateur de la foi, un renégat; un négateur de la religion, un impie; un libertin sans idéal, contempteur des valeurs morales; un désespéré, un nihiliste... Toutes ces formules sont logiquement inconsistantes par défaut d’analyse, mais on aurait tort de n’y voir qu’une réaction d’intolérance. C’est qu’en réalité on ne sait pas exactement ce que nie l’athée ou ce que l’on rejette en lui. La difficulté est d’ordre intellectuel. Pour se défendre contre une menace obscure, diffuse, insaisissable, l’intolérance crée des étiquettes infamantes, qui transforment la victime obnubilée en accusateur véhément. Si l’on veut rendre à la négation sa fonction logique nécessaire au raisonnement, il faut substituer à la pensée globale des sentiments collectifs une pensée analytique et argumentative. La négation nous contraint à l’analyse. L’image confuse du négateur reflète quelque secrète équivoque dans le «Je crois en Dieu». Les ambiguïtés de l’affirmation religieuse ou la violence inavouable du sacré se révèlent au négatif dans l’autre inconcevable, ce prochain qui n’a pas de dieu.

L’athéisme relatif

Les mots «athée» et «athéisme» n’appartiennent pas au vocabulaire technique de la philosophie ou de la théologie. Nous verrons que, pour interpréter l’athéisme, les philosophes et les théologiens ont créé un certain nombre de catégories savantes (c’est-à-dire de concepts méthodiquement définis), mais en lui-même l’athéisme n’est pas une catégorie, c’est une appellation. Cette appellation a souvent un sens très relatif. L’historien Josèphe, par exemple, se plaint de ce que les païens traitent les juifs d’«athées et de misanthropes» (Contre Apion , II, 148). Inversement, saint Ignace d’Antioche traite les païens d’athées (Lettre aux Tralliens , III, 2) et il en dit autant des hérétiques docètes (ibid. , X, 1). Il peut arriver que cet athéisme relatif suscite la commisération, comme dans l’épître de saint Paul aux Éphésiens: «Souvenez-vous qu’autrefois vous étiez des gentils selon la chair, appelés incirconcis... Vous étiez, en ce temps-là, sans Christ, sans droit de cité en Israël, étrangers aux alliances prophétiques, sans espérances et athées [atheioi ] dans le monde» (Éph., II, 11-12). Athée veut dire ici «sans protecteur divin», sans dieu-gardien spécialement attaché à votre salut. Il ne s’agit pas d’une absence de croyance religieuse, mais d’une absence de statut ou de droit de cité dans la communauté sainte. D’ailleurs, ceux qui, dans l’Antiquité, font figure d’athées légendaires ne sont pas les grands philosophes, mais plutôt des réprouvés, tels Diagoras de Mélos, Cinésias ou Hippon, qui ont déchaîné contre eux les puissances célestes et sont morts dans la honte. Ne dit-on pas que Lucrèce, l’auteur du De natura rerum , est mort fou? Et, plus près de nous, Nietzsche, cet athée relatif qui aimait tant Dionysos, n’est-il pas là pour confirmer que la légende a toujours force de loi?

Au Moyen Âge, le mot «athée» a complètement disparu (c’est l’«insensé» qui, chez saint Anselme, est chargé de dire en son cœur: «Il n’y a pas de Dieu»). «L’athéisme, écrit Henri Busson, paraît bien avoir été inconnu en France avant la seconde moitié du XVIe siècle. Ce mot même d’athée n’existe pas. Je le trouve pour la première fois (en grec, car le mot n’est pas latin non plus) dans la préface de Hervet (1543) qui vise peut-être Des Périers, puis en latin chez Nicolas de Neufville (1556). M. Huguet relève le mot «athéiste» chez Le Caron (1556) et il se trouve aussi dans l’Athéomachie de Bourgueville (1564). Ce même Charles de Bourgueville est aussi le premier, ce me semble, qui dénonce et attaque de «vrais athéistes ne reconnaissant pas le Dieu éternel». La même année, Pierre Viret nous apprend que leur nombre en est beaucoup plus grand qu’on ne pense. Et, depuis cette époque, les dénonciations se font de plus en plus fréquentes» (La Pensée religieuse française de Charon à Pascal , Vrin, Paris, 1933, pp. 15-16). Lucien Febvre s’étonnera qu’au temps de Rabelais les polémistes chrétiens se traitent mutuellement d’athéistes (Le Problème de l’incroyance au XVIe siècle , A. Michel, Paris, 1942). Mais, par là, les Modernes ne faisaient que reprendre un usage courant à l’époque hellénistique. Que l’accusation d’athéisme soit relative à celui qui l’énonce tient à deux sortes de raisons: il faut pouvoir identifier le dieu que l’autre nie, or comment identifier un dieu sinon par la relation que nous avons avec lui? D’autre part, il est difficile de concevoir l’incroyance pure et simple en matière théologique, non pas seulement pour des raisons sentimentales ou sociologiques, mais aussi parce que l’emploi de la négation avec des verbes tels que «croire» ou «vénérer» pose des problèmes logiques d’une traîtreuse difficulté. Tant qu’on en reste au niveau des appellations populaires, il est impossible de contrôler la fonction logique de la négation, de telle sorte que l’athéisme radical ou absolu n’apparaît pas autrement qu’en asymptote d’un athéisme relatif poussé à la limite (ou à l’infini, comme diraient les partisans de saint Anselme). Le psychologisme de la négation est un cercle vicieux. C’est par une pétition de principe qu’une religion tend à concevoir ce qui n’est pas elle comme étant sa propre négation, son image inversée, et donc à faire que cette négation soit encore sienne et lui rende témoignage.

Les catégories théologiques

Nous avons dit que le mot «athéisme» est une appellation populaire qui ne s’est trouvée définie qu’indirectement par subsomption sous des catégories conceptuelles pourvues d’un statut canonique, officiel. La première de ces catégories juridico-théologiques est celle des crimes d’impiété. Le mot «religion», au sens institutionnel que nous lui donnons aujourd’hui, n’est pas tout à fait synonyme des mots qu’employaient les Anciens. Mais, grosso modo , on pourrait traduire par «religion» et «irréligion» ce qu’ils appelaient «piété» et «impiété». Pour comprendre ce qu’étaient les délits d’impiété, il faut se rappeler que, pour toute l’Antiquité, y compris le judaïsme, la religion est un ensemble d’observances rituelles. Les dieux ont droit au culte, de sorte que la piété est une partie de la justice. Violer la religion, c’est offenser la justice divine. Il n’y a pas d’orthodoxie. Les dieux de l’Antiquité ne s’intéressaient que distraitement à ce que les hommes croient ou ne croient pas. D’une manière générale, le concept de «croyance» (avec son contraire l’incroyance) n’est pas un concept religieux; c’est un concept philosophique, que l’on retrouve chez les apologètes et les controversistes chaque fois qu’il s’agit d’argumenter rationnellement; il appartient au métalangage, c’est-à-dire à l’argumentation réflexive sur la religion. Une croyance n’est religieuse qu’en prenant la forme d’une obéissance aux coutumes ancestrales ou aux oracles divins. La Fides est une fidélité aux serments ou une confiance (fiducia ) qui intègre l’individu dans des liens sacrés de solidarité. Dire que l’athéisme est un crime d’impiété, c’est dire à la fois qu’il transgresse les obligations civiques de la piété, qu’il place le coupable en dehors des solidarités sacrées et qu’il offense la justice divine, fondée sur des rapports de forces entre les puissances célestes et les faibles mortels.

Avec l’avènement du christianisme (et plus tard de l’islam), les crimes d’impiété devinrent des péchés d’infidélité. C’est nous aujourd’hui qui parlons de croyants et d’incroyants. Mais la tradition ecclésiastique, dans son vocabulaire officiel, nomme les «fidèles» et les «infidèles». Il existe un catalogue des infidélités. Saint Thomas en distingue trois espèces: celle des païens, celle des hérétiques et celle des juifs (IIa, IIae, q. 10, a. 5). Une quatrième n’a de nom qu’en grec: c’est l’apostasie (IIa, IIae, q. 12). Saint Thomas explique que les vices sont sans nombre, de sorte qu’on ne peut les distinguer que par contraste avec la classification des vertus et que, de même, le nombre des erreurs est infini, une «règle de foi» permettant seule de les classer comme infidélités. On ne saurait mieux dire que la Vérité divine n’a rien d’extérieur à elle; l’enfer même tombe sous son jugement. Pourquoi y a-t-il des péchés d’infidélité? Parce que la croyance ne devient religieuse dans le christianisme qu’en devenant une foi. La foi est une croyance à la deuxième puissance: le chrétien (et aussi le musulman) croit qu’il faut croire pour être sauvé. La doctrine enseigne la nécessité de la foi pour le salut. C’est un dogme; cela fait partie des choses à croire. La puissance salvifique de la foi est elle-même objet de croyance. Le catalogue des infidélités est demeuré presque sans changement jusqu’au XIXe siècle. Quelques nouvelles rubriques apparaissent alors. Par exemple, en 1832, à propos de la condamnation de Lamennais, s’introduit la notion d’indifférentisme: «De cette source putride de l’indifférentisme a découlé cette opinion absurde et erronée ou plutôt ce délire, à savoir que doit être revendiquée pour chacun la liberté de conscience» (encyclique Mirari vos , in Denzinger 1613). Le deuxième concile du Vatican (1963-1965), en parlant de «liberté de la personne», utilisera une formule assez générale pour ne pas déjuger le magistère antérieur. Quant au mot «athéisme», on le trouve mentionné pour la première fois dans l’encyclique Pascendi de 1907, ce qui confirme bien que l’appellation d’athéisme ne fait pas partie des catégories juridico-théologiques.

Les interprétations philosophiques

Platon a traité de l’athéisme dans deux contextes différents. Dans l’Apologie de Socrate (26 b-e), il s’agit de montrer que Socrate n’est pas un véritable athée. Pour cela, Platon distingue l’athée relatif, qui n’admet pas telle ou telle divinité, et l’athée absolu (parapan atheos ), qui ne croit à l’existence d’aucun dieu. Le concept philosophique de croyance sert à souligner la signification intellectuelle de l’athéisme. Dans les Lois (liv. X), Platon s’intéresse à la signification sociale de l’athéisme. Il commente la notion des crimes d’impiété inscrite dans le droit pénal athénien. Pour cela, il montre, d’une part, que les sanctions doivent être proportionnées au degré de culpabilité et, d’autre part, que les dispositions du droit pénal ne se justifient qu’à la condition de pouvoir prouver l’existence d’une divinité (argument de l’intelligence automotrice et de la finalité cosmique). On sait que les philosophes grecs distinguent deux sortes de dieux: les dieux conventionnels, «suivant la loi», et les dieux intelligibles, «suivant la nature». Si Platon a pu concevoir intellectuellement l’athéisme, il n’a pu en supporter l’idée. Le dieu de Platon, le dieu des philosophes et des savants est l’absolument simple qui, dans le sentiment religieux du monde, abolit toute séparation. Mais les rapports des philosophes à la religion seront presque toujours équivoques. Les philosophes de l’Antiquité interprétaient les croyances traditionnelles par des allégories physiques ou morales. Kant et Fichte interpréteront la foi religieuse comme une foi morale en la communauté universelle des êtres libres, de telle sorte que le mot «Dieu» n’est guère que la représentation de ce Bien suprême qui est immanent à la foi. D’où la «querelle de l’athéisme» à l’époque de Fichte. Quant à Hegel, il réussira ce tour de force de rendre la négation mystique indiscernable de la négation athée. La dialectique est un cercle qui revient éternellement à son point de départ. Mais abandonnons à leur virevolte ces négations internes à la vie émotionnelle. Reste que le problème logique de l’incroyance est autre chose.

Ce que nie l’incroyant

Croire, c’est tenir pour vraie une proposition. Du point de vue psychologique, l’action de tenir pour vrai peut se manifester diversement, par des conduites ou des déclarations. Logiquement, il y a deux façons (au moins) de nier une croyance: «ne pas croire» ou «croire que ne ... pas». En outre, la phrase «Je crois en Dieu» est l’expression d’une confiance globale qui, pour ne pas rester une simple effusion, doit inclure un «Je crois que Dieu existe». Mais la phrase «Dieu existe» n’a que les apparences d’une proposition existentielle, car on ne peut pas désigner un quelque chose qui aurait pour prédicat «être-Dieu». Le «Je crois» n’est pas éliminable par une démonstration ostensive, mais il doit être rendu raisonnablement acceptable par des arguments (tels que l’ordre du monde ou les événements de l’histoire sainte, etc.). Alors, que nie l’incroyant? Il nie la crédibilité de ces arguments. Sa négation porte essentiellement sur les motifs de crédibilité. L’incroyant ne nie pas que les traditions religieuses puissent être porteuses de valeurs authentiques dont les êtres divins sont le symbole et qui méritent de passer dans l’héritage commun, mais il nie que l’on puisse prendre au sens littéral les jugements de réalité qui définissent la croyance comme telle. On peut suspendre son jugement, mais, par définition, celui qui suspend son jugement ne croit pas.

On appelle «agnostique» celui qui pense que Dieu est inconnaissable. Mais on peut être un agnostique croyant comme Kant, Kierkegaard, Karl Barth et un grand nombre de théologiens contemporains. Ou bien l’on peut être un agnostique incroyant. L’ignorance ne dispense pas de l’alternative, bien que l’aveu d’ignorance «Je n’en sais rien» soit la façon la plus modeste de ne pas croire. L’incroyant ne prétend pas connaître les secrets de l’Univers. Le problème qui se pose à lui est un problème de crédibilité. Ce problème se pose à propos de telle proposition ou de telle autre. L’examen des raisons qui supportent telle ou telle assertion exige de tous la même honnêteté intellectuelle. Quels que soient les avantages, intérieurs ou extérieurs, d’une profession de foi, on n’a pas le droit, moralement, de s’y engager si l’on n’est pas à même d’en rendre raison publiquement.

athéisme [ ateism ] n. m.
• 1555; de athée
Attitude ou doctrine de l'athée. incroyance, irréligion, matérialisme. « la voie ouverte au déisme, c'est-à-dire à un athéisme déguisé » (Bossuet). « le monde de ceux qui ne croient à rien, pas même à l'athéisme » (Péguy). Spécialt Doctrine des personnes qui nient l'existence d'un Dieu personnel ( panthéisme). ⊗ CONTR. Croyance, religion, 1. théisme.

athéisme nom masculin Doctrine qui nie l'existence de Dieu. (Cette position philosophique ne se confond ni avec l'agnosticisme, qui est le refus de prendre parti dans les débats métaphysiques, ni avec le panthéisme, qui implique que Dieu puisse exister partout dans l'univers et se confondre avec lui.) Attitude de quelqu'un qui nie l'existence de Dieu ; incroyance religieuse. ● athéisme (citations) nom masculin Denis Diderot Langres 1713-Paris 1784 L'idée qu'il n'y a pas de Dieu ne fait trembler personne ; on tremble plutôt qu'il y en ait un. Pensées philosophiques Denis Diderot Langres 1713-Paris 1784 La superstition est plus injurieuse à Dieu que l'athéisme. Pensées philosophiques Victor Hugo Besançon 1802-Paris 1885 Les brèches que l'athéisme fait à l'infini, ressemblent aux blessures qu'une bombe ferait à la mer. Tout se referme et continue. Philosophie, Commencement d'un livre Gustave Le Bon Nogent-le-Rotrou 1841-Paris 1931 Si l'athéisme se propageait, il deviendrait une religion aussi intolérable que les anciennes. Aphorismes du temps présent Flammarion Blaise Pascal Clermont, aujourd'hui Clermont-Ferrand, 1623-Paris 1662 Athéisme, marque de force d'esprit, mais jusqu'à un certain degré seulement. Pensées, 225 Commentaire Chaque citation des Pensées porte en référence un numéro. Celui-ci est le numéro que porte dans l'édition Brunschvicg — laquelle demeure aujourd'hui la plus généralement répandue — le fragment d'où la citation est tirée. George Santayana Madrid 1863-Rome 1952 Mon athéisme, comme celui de Spinoza, est une piété véritable vis-à-vis de l'univers. My atheism, like that of Spinoza, is true piety towards the universe. Soliloquies in England athéisme (synonymes) nom masculin Attitude de quelqu'un qui nie l'existence de Dieu ; incroyance religieuse.
Synonymes :
- irréligiosité
- matérialisme
Contraires :
- déisme
- dévotion
- panthéisme
- théisme

athéisme
n. m. Opinion ou doctrine de l'athée.

⇒ATHÉISME, subst. masc.
Doctrine ou attitude fondée sur la négation d'un Dieu personnel et vivant. Anton. déisme, théisme.
A.— DOGM. Refus des croyances religieuses, par cécité de l'intelligence relativement à l'existence de Dieu :
1. ... on m'a accusé ou loué de panthéisme : j'aimerais autant qu'on m'accusât d'athéisme, cette grande cécité morale de quelques hommes privés, par je ne sais quelle affliction providentielle, du premier sens de l'humanité, du sens qui voit Dieu.
LAMARTINE, Correspondance, 1836, p. 203.
2. Dans toutes les sociétés qui se sont succédé depuis le commencement du monde, il y a eu un athéisme des intelligences supérieures, mais je ne connais pas encore de société ayant subsisté avec l'athéisme des gens d'en bas, des besogneux, des nécessiteux.
E. et J. DE GONCOURT, Journal, 1882, p. 165.
3. M. Proudhon est certainement une intelligence philosophique très distinguée. Mais je ne puis lui pardonner ses airs d'athéisme et d'irréligion. C'est se suicider que d'écrire des phrases comme celle-ci : « L'homme est destiné à vivre sans religion : ... »
RENAN, L'Avenir de la sc., 1890, p. 474.
B.— PHILOS. Athéisme (absolu). Négation explicite de l'existence de Dieu, avec généralement instauration d'un humanisme sans religion :
4. Les doctrines post-hégéliennes, oubliant l'aspect mystique de certaines tendances du maître, ont conduit ses héritiers à l'athéisme absolu et au matérialisme scientifique.
CAMUS, L'Homme révolté, 1951, p. 182.
5. Le capital reprend la dialectique de maîtrise et servitude, mais remplace la conscience de soi par l'autonomie économique, le règne final de l'esprit absolu par l'avènement du communisme. « L'athéisme est l'humanisme médiatisé par la suppression de la religion, le communisme est l'humanisme médiatisé par la suppression de la propriété privée ».
CAMUS, L'Homme révolté, 1951 p. 248.
Athéisme sentimental :
6. L'athéisme sentimental peut se traduire ainsi : « Si les événements qui se déroulent dans le monde sont les actes d'un Dieu, ils doivent pouvoir se justifier; or il en est qui ne sont pas justifiables; donc ces événements ne peuvent être produits par une causalité divine; mais un Dieu impuissant n'est pas ».
MARCEL, Journal métaphysique, 1923, p. 230.
Rem. On assimile parfois indûment à l'athéisme les doctrines panthéistes qui récusent l'existence d'un Dieu personnel.
C.— SOCIOL., POL. Négation de Dieu dans la pratique de l'action sociale ou politique :
7. ... on soutiendra cette doctrine pour maintenir l'athéisme légal, pour qu'on ne puisse pas dire que la loi reconnoît une vérité, renferme la profession d'un dogme!
LAMENNAIS, De la Religion, 1re part., 1825, p. 66.
8. ... ni un homme, ni une nation, ni une classe ne se sauvent par les seules forces de l'homme, et si le pélagianisme et l'athéisme pratique de la bourgeoisie sont adoptés et exaltés par le prolétariat, ce sera pour la faillite historique de celui-ci.
MARITAIN, Humanisme intégral, 1936, p. 254.
9. Mais la psychologie doit tenir compte que l'on naît aujourd'hui de plus en plus athée comme on naissait, à d'autres époques, universellement chrétien. Des comportements se forment peu à peu autour de cette attitude de vie : ici un utilitarisme sans inquiétude, l'émoussement total du sens de l'intériorité; là, au contraire, où l'athéisme est vécu comme expérience intérieure et combat spirituel, il s'exprime par une dureté désespérée devant l'univers sans voix, par la sérénité intense, secrète, et un peu égoïste des disciples d'Épicure, par la froideur attentive des esprits composés, ou à l'inverse par un attendrissement désolé pour les destins des hommes.
MOUNIER, Traité du caractère, 1946, p. 738.
P. ext. Athéisme militant, marxiste, etc. Manière d'agir sur le monde en vue d'instaurer une échelle de valeurs exclusive des valeurs religieuses, considérées comme obstacle à la libération de l'homme :
10. ... la question pour l'athéisme marxiste, en dépit des apparences pseudo-scientifiques qu'il se donne, reste d'ordre éthique et moral plutôt que métaphysique, elle est de vivre l'athéisme dans sa traduction éthique, c'est-à-dire de refuser Dieu comme fin et comme règle de la vie humaine.
MARITAIN, Humanisme intégral, 1936, p. 72.
PRONONC. :[].
ÉTYMOL. ET HIST. — 1555 (BILLON, Le Fort inexpugnable, 210b ds Rom. Forsch., t. 32, p. 15 : Le François ... peuple de toute ancienneté... exempté de l'Atheysme).
Dér. de athée; suff. -isme.
STAT. — Fréq. abs. littér. :406. Fréq. rel. littér. : XIXe s. : a) 807, b) 333; XXe s. : a) 332, b) 659.
BBG. — BACH.-DEZ. 1882. — BOUCHER 1835. — BOUILLET 1859. — BOUYER 1963. — Foi t. 1 1968. — FOULQ.-ST-JEAN 1962. — FRANCK 1875. — FRIES t. 1 1965. — FROMH.-KING 1968. — GOBLOT 1920 (s.v. athée). — Gramm. t. 1 1789. — JULIA 1964. — LAL. 1968. — MIQ. 1967 (s.v. athée). — ROS.-IOUD. 1955. — ST-EDME t. 2 1925. — Théol. cath. t. 1, 2 1909.

athéisme [ateism] n. m.
ÉTYM. 1555; de athée, et -isme.
1 Attitude ou doctrine de l'athée. Incroyance, irréligiosité, matérialisme.
1 Tous ceux qui cherchent Dieu hors de Jésus-Christ (…) tombent ou dans l'athéisme ou dans le déisme que la religion chrétienne abhorre presque également.
Pascal, Pensées, III, 55. (→ Déisme, cit.).
2 L'Écriture directement combattue, la voie ouverte au déisme, c'est-à-dire à un athéisme déguisé (…)
Bossuet, Hist. des variations, V, 31.
3 Il y a un athéisme caché dans tous les cœurs qui se répand dans toutes les actions; on compte Dieu pour rien; on croit que, quand on a recours à Dieu, c'est que les choses sont désespérées et qu'il n'y a plus rien à faire.
Bossuet, Pensées détachées, in Littré.
3.1 Quand l'athéisme voudra des martyrs, qu'il les désigne, et mon sang est tout prêt.
Sade, Justine…, t. I, p. 81.
4 Une âme peut être opérée de l'athéisme comme une prunelle de la cataracte.
Hugo, Post-Scriptum de ma vie, p. 62.
5 (…) le monde de ceux qui ne croient à rien, pas même à l'athéisme, qui ne se dévouent, qui ne se sacrifient à rien.
Ch. Péguy, Notre jeunesse, p. 14-15.
Spécialt. Doctrine de ceux qui nient l'existence d'un Dieu personnel. Panthéisme.
2 Philos. Négation de l'existence de Dieu.
6 L'athéisme du XVIIIe siècle avait des prétentions à la vérité et à la pensée. Il était raisonneur, sophiste, déclamatoire, surtout impertinent.
Barbey d'Aurevilly, les Diaboliques, p. 308.
7 Quand il parvint aux pages sur l'athéisme, il sentit qu'il détenait enfin une réponse; et l'âpre joie de la certitude compensa la tristesse que cette réponse fût négative.
Jean-Louis Curtis, le Roseau pensant, p. 236.
CONTR. Croyance, déisme, panthéisme, religion, 1. théisme.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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